jeudi 30 janvier 2014

Pêche au toc multi-espèces au Québec


Avant propos


Très connue outre-atlantique, la pêche au toc est originaire des Pyrénées en France. Cette technique, à la fois simple et complexe, est habituellement utilisée par les pêcheurs de truites farios (truites brunes) en rivière. Ici, au Québec, je vais vous montrer comment j'ai transposé cette technique pour prendre toutes espèces de poissons susceptibles d'être tentées par un simple ver de terre... c'est-à-dire presque toutes les espèces confondues!


*n'allez surtout pas croire que c'est la définition du Larousse ;)


De plus en plus, les compagnies de leurres rivalisent d'imagination afin de proposer des offrandes synthétiques de plus en plus sophistiquées, réalistes mais aussi tarabiscotées, stylisées... à un tel point qu'on finit par se demander lequel du poisson ou du pêcheur est ciblé par l'engin dernier cri (n'y voyez pas de jeux de mots avec le dessin ci-contre bien entendu!). Il est vrai que, pour ne pas faire ma mauvaise langue, certains leurres méritent notre attention, car ils sont diablement efficaces! Mais certaines fois, et je suis sûr que vous serez d'accord avec moi, je pense que des leurres ont été plus étudiés d'un point de vue marketing plutôt que testés en de réelles situations de pêche...
«Chassez le naturel, il revient au galop!» dit l'adage! C'est un peu ce qui traduirait l'engouement de la pêche au toc en France, reconnue pour son efficacité redoutable, notamment dans des situations de pêche difficiles (niveau haut, eaux teintées, beaucoup de courant, grosses chaleurs, etc.). En effet, vous verrez ici que cette pêche revient aux origines, que son montage est on ne peut plus simple. Mais vous verrez aussi qu'en maîtriser la technique est un art, qui se peaufine avec le temps...

J'ai eu l'extrême privilège d'avoir appris cette technique avec un très bon ami à moi qui fait partie, depuis plusieurs années, de l'équipe de France de pêche au toc et qui est, par le fait même, un des meilleurs spécialistes de cette technique que j'ai pu connaître. J'espère d'ailleurs que lorsqu'il lira ces quelques lignes, il ne sera pas offusqué de la simplification que j'en fais... mais, comme dirait l'autre, du moment que ça marche, pourquoi se casser le ..... !

J'utilise souvent cette technique lorsque les poissons sont peu actifs ou, j'y reviendrai plus tard, lorsque je n'ai aucune connaissance des espèces de poissons présentes sur le lieu de pêche (ce qui peut être souvent le cas lorsque vous êtes en vacances en famille dans une région que vous découvrez). Les résultats sont souvent surprenants lorsqu'il fait chaud et que rien ne marche.

Vous êtes rendu là puis vous vous dites, «Yé fatiguant lui, qu'il nous parle de sa technique au lieu de nous raconter sa vie!»...! Vous avez raison... Bon alors, c'est quoi la pêche au toc?


Le principe :

 Le principe est de faire dériver un appât naturel de façon naturelle en s'aidant du courant. J'utilise ici, la plupart du temps, le classique ver de terre que je trouve très polyvalent, mais vous pourriez très bien utiliser d'autres invertébrés ou insectes, surtout s'ils se retrouvent dans la diète des poissons recherchés! Vous pouvez ainsi exploiter toutes les petites veines d'eau, glisser sous les rochers... bref... aller chercher les poissons dans leurs repaires. Pour ce faire - et c'est là tout l'art du toc - il faut utiliser une plombée adéquate - ni trop, ni pas assez - qui permet de faire évoluer votre montage au raz du fond, sans s'accrocher à tout bout de champ!



Le matériel :

La canne : Idéalement, il est préférable d'avoir une canne assez longue lorsque l'on pêche à gué (je pêche avec une canne de 3m90, c'est-à-dire pratiquement 13 pieds), et certains spécialistes de cette technique en France n'hésitent pas à pêcher avec une canne de 8 à 11 mètres pour pêcher «sous la canne». En effet, une grande canne permet d'avoir un parfait contrôle de la dérive de l'appât et d'éviter le dragage (phénomène bien connu des moucheurs!).  Comme ce genre de canne est impossible à trouver au Québec (voire en Amérique du Nord!) et que les poissons sont globalement moins méfiants ici, vous pouvez prendre votre canne spinning la plus grande qui fera l'affaire tout de même dans la plupart des situations.

Le moulinet : Un moulinet spinning est de rigueur, car il facilite le contrôle du fil lors de la dérive. Il est préférable d'en prendre un le plus petit possible, pour sa légèreté, et aussi parce que le diamètre de fil à utiliser est assez fin.

Le fil : Le fil doit être le plus fin possible pour bien se dévider lors de la dérive. Habituellement, je pêche avec du monofilament de 6 lbs test (et encore, pour un pêcheur de truite des Pyrénées, c'est énorme!). Mais étant donné, encore une fois, qu'on ne vise pas la fario ici et que les poissons sont moins méfiants, vous pouvez monter jusqu'au 8 lbs max, suivant le type de poisson présent sur les lieux. Le fil fluo est intéressant afin de mieux observer ses déplacement dans l'eau.

Le bas de ligne : La règle est de mettre un bas de ligne plus faible que le corps de ligne (exemple, 4 lb si vous pêchez en 6 lb), afin de ne perdre que l'hameçon en cas d'accrochage. L'emploi du fluorocarbone est intéressant, car il résiste mieux à l'abrasion sur les roches. Vous pouvez le raccorder au corps de ligne avec un simple noeud boucle dans boucle. Vous pouvez aussi vous en passer et pêcher directement avec le corps de ligne... au risque de devoir recommencer tout le montage en cas de casse! Vous pouvez aussi préparer à l'avance plusieurs montages (plombs + hameçons) et simplement les raccorder en cas de casse.

L'hameçon : Pas trop gros ni trop petit! Il faut s'adapter aux espèces pêchées... Si vous voyez que vous avez beaucoup de touches, mais que vous n'êtes pas capable de sortir un poisson, diminuez la taille de l'hameçon. Comme je pêche souvent l'achigan à petite bouche et le doré, je peux utiliser des hameçons assez gros (numéro 4).

Les plombs : Voici le secret de la pêche au toc : trouver la bonne plombée en fonction de la situation! En effet, la plombée va varier suivant le secteur que vous pêchez (force du courant, profondeur...).  Pour ce faire, on utilise de petits plombs pincés sur le fil appelé plombs fendus. Au Québec, il ne s'en trouve pas facilement partout, mais vous en trouverez dans le coin des moucheurs, car ils sont utilisés afin d'alourdir les mouches. Je n'aime pas les fameux «split shot» qui sont en forme de pince, car ils sont plus accrochants, moins hydrodynamiques et prennent trop le courant... Pour le nombre, ça vous demandera un peu de pratique, vous devez pouvoir sentir le fond sans pour autant rester accrocher constamment. Commencez avec 6 à 8 plombs puis enlevez-en ou rajoutez-en suivant votre feeling. Votre dextérité lors de la dérive y est aussi pour beaucoup, nous y reviendrons plus tard...

Le guide fil : aussi appelé rigoletto en France, il permet de bien suivre votre montage dans le courant et de percevoir les touches timides. Comme là encore on n'en trouve pas au Québec, vous pouvez le remplacer par des petites perles de montage pour collier et un bout de cure-dent.


Le montage






Les variantes :

hameçon slow death

L'utilisation d'un hameçon «slow death» qui permet de faire tourner votre ver lorsque vous faites décoller votre montage du fond (redoutable!). Il faut cependant utiliser ici un micro-émerillon de qualité entre les plombs et l'hameçon afin d'éviter que votre fil ne vrille.




- Le «drop toc». Ne cherchez pas sur google, j'ai moi-même baptisé ce montage! :). Cela consiste à utiliser un montage drop-shot classique mais très léger et lui faire faire de petits bons en suivant le courant. Redoutable, notamment pour le doré et l'achigan!



Le montage drop-toc (qui est en fait le montage drop-shot "light" sur lequel on place un ver)


L'action de pêche :

Comme vous pouvez le constater, le montage est tout ce qu'il y a de plus c... , pardon, universel! Toute son efficacité réside en deux points :

  • l'utilisation d'une plombée adéquate en fonction du lieu de pêche;
  • Bien contrôler la dérive du montage dans le courant.


La plombée adéquate

Ça sera à vous d'en juger sur place. Si vous ne sentez absolument pas le fond, ni votre montage, rajoutez-en! Si, au contraire, vous passez votre temps à vous accrocher dans le fond, enlevez-en... À force, vous pourrez deviner le nombre de plomb à placer sur votre montage en fonction du lieu de pêche. Ne vous découragez pas si au début vous restez toujours accrocher dans le fond, c'est normal, il vous faut juste un peu de pratique!

Bien contrôler la dérive du montage dans le courant

Une fois la bonne plombée trouvée, vous pouvez commencer à explorer la zone de pêche que vous pensez, bien entendu, propice (fosses, amortis de courant, pool, etc...). Lancez votre montage légèrement en amont. Une fois que celui-ci a touché l'eau, laissez votre pick-up ouvert relever votre canne afin de laisser se dévider un peu de fil. Laissez votre canne haute et prenez ensuite la ligne de votre main gauche, tout en gardant le pick-up ouvert (voir la photo ci-dessous), tendez votre fil et «sentez» votre montage. Vous devez sentir que ce dernier glisse sur le fond par une succession de petits bonds, sans s'accrocher. Quand vous sentez que votre montage prend le courant et se met à remonter vers la surface, lâchez le fil et laissez le se dévider. Recommencez ainsi afin de laisser dériver votre montage au gré du courant, tout en le contrôlant.

Si vous utilisez le montage «drop toc», c'est sensiblement la même chose, sauf que les bonds seront plus saccadés et il vous sera plus facile de garder contact avec le fond. L'inconvénient est qu'il vous sera aussi plus facile de vous accrocher...

Le ferrage

Lorsque vous sentez le toc. toc. caractéristique ou bien une certaine lourdeur dans la ligne, accompagnez le poisson l'espace d'un instant et ferrez! Ainsi, vous piquerez le poisson juste sur le bord des lèvres et vous pourrez le relâcher si le coeur vous en dit (ou s'il ne fait pas la taille légale!)






Une pêche multi-espèce et... instructive!

J'utilise souvent cette technique lorsque les poissons sont peu actifs. Les résultats sont souvent surprenants lorsqu'il fait chaud et qu'on va chercher les poissons directement dans leurs repères, parmi les roches ou à l'ombre d'une cassure. Je me rappelle de plusieurs sorties où des pêcheurs de dorés utilisant jig et autres poissons nageurs me voyait sortir dorés et achigans à la pelle... et de voir leurs yeux médusés lorsque je leur disais que je pêche au ver avec juste quelques petits plombs. J'utilise aussi cette technique quand je pêche dans une rivière dont je ne connais pas la population de poisson ni les espèces présentes, je suis vite fixé car je peux prendre de tout! Idéal lorsque vous êtes en vacances en famille et que vous avez deux heures devant vous pour essayer la rivière qui coule proche du camping!
Cette pêche est aussi complémentaire des pêches aux leurres qui peuvent être évidemment plus productives en certaines occasion. En effet, vous pouvez prendre menés et autres perchaudes qui peuvent vous renseigner sur les types de proies qui sont présentes et vous en inspirer pour choisir vos leurres.
Bref, en terme d'efficacité et de régularité, les pêcheurs français pourraient en témoigner, le toc est dur à battre pour tromper la truite fario en France, réputée pour être très méfiante. Ici, au Québec, c'est, selon moi, le montage parfait pour passer de bons moments au bord d'une rivière tout en maximisant les chances d'avoir de l'action. Essayez donc la pêche au toc cette saison, vous m'en direz des nouvelles!


Envie de voir tout ça en pratique avec un peu d'action? Allez donc voir la vidéo qui traite de la pêche au toc multi-espèces au Québec. »»»»»Voir la vidéo : pêche au toc multi-espèces 




vidéo technique : la pêche au toc multi-espèces

Voici la vidéo qui accompagne et illustre l'article la pêche au toc multi-espèces au Québec




pêche au toc multi-espèces au Québec from Guillaume Delair on Vimeo.

mardi 14 janvier 2014

Vidéo musky monstres 2009

Ma première vidéo qui illustre mon récit sur ma journée de pêche miraculeuse au musky en 2009. Comme je m'amuse comme un petit fou avec Imovie, ne vous inquiétez pas, il y en aura d'autres! :)



 
Musky monstres 2009 from Guillaume Delair on Vimeo.

Fish addict team

Deux superbes vidéos de mon pote Thomas où je me retrouve derrière la caméra certaines fois :)

Allez visiter son blogue : http://fish-addict-team.over-blog.com



Musky or Nothing from Guyard Thomas on Vimeo.

Musky d'automne from Guyard Thomas on Vimeo.

Musky monstres 2009

Ça me taquinait déjà depuis un moment... cela faisait un an que j'étais au Québec à l'époque et je n'avais pas eu la chance de me mesurer à l'ultime prédateur d'eau douce du Québec : j'ai nommé le maskinongé, appelé aussi maski, masky ou musky. Ce proche cousin du brochet, dont l'aire de répartition se situe en Amérique du nord, peut atteindre des tailles très imposantes, le record actuel étant de 1m47 pour environ 30 kg (58 po pour 65 lbs) !

Afin de mettre toutes les chances de mon côté, je décide de faire affaire avec un service de guidage. Mon pote Raph, qui dans un premier temps hésitait à m'accompagner, se décide finalement. La réservation est faite et... l'attente est longue!

On est en juillet 2009, c'est le grand jour! La température de l'eau est stable et au beau fixe depuis plusieurs jours... la journée s'annonce confortable. Espérons qu'elle soit aussi productive!

On arrive sur les lieux à 6h, le temps de discuter un peu avec nos deux guides de la journée, qui sont en fait deux frères passionnés de maskinongé, et d'admirer le joli petit joujou qui va nous promener toute la journée... et c'est parti mon kiki!


«C'est parti mon kiki !»
Comme j'ai déjà un petit creux, n'ayant pas eu le temps de déjeuner, je sors une des 3 bananes que j'avais ramenées de la maison... JF, l'un des guides, me dit : «Est-ce que tu savais que chez nous, il y a une superstition comme quoi les bananes portent malheur sur un bateau de pêche???» Bien entendu, je n'en avais aucune idée et je ne suis pas d'un naturel superstitieux... on va vérifier si j'avais tort ou non!

Une fois arrivé sur un premier spot prometteur, on commence à discuter matériel. D'entrée de jeu, je dis à JF et JP, nos deux guides, que je préfère prendre les musky au casting plutôt qu'à la traîne... je trouve ça bien évidemment plus sportif et plus riche en adrénaline! Ce qui fait tout à fait leur affaire! N'étant pas encore équipé à l'époque pour ce type de pêche, JF me tend une canne de type lancer lourd pour la journée (une vrai trique!) et un moulin (reel pour mes amis québécois!) garni de tresse de 70 lbs test... agrémentée d'un bas de ligne en fluorocarbone de 130 lbs test (que Raphaël Nadal aurait trouvé trop gros pour son cordage de raquette!) avec, à l'extrémité, un émerillon qui aurait pu servir à accrocher un luminaire! Trouvant le matériel disproportionné, même si on a affaire à du gros fish, JF, prônant la remise à l'eau de ses prises, m'explique que des études ont démontré qu'un musky dont le combat est écourté a plus de chance de survie. En effet, c'est un poisson extrêmement nerveux qui, si le combat s'éternise, produit énormément d'acide lactique qui peut provoquer, à terme, sa mort. Aujourd'hui encore, je n'ai pas vu d'études sérieuses sur le sujet, je vais fouiller pour faire un article là-dessus. Le premier leurre utilisé... un spinner bait format géant!

Un peu perplexe donc devant le matériel utilisé, je m'attèle cependant à la tâche! Je ne suis pas vraiment habitué à pêcher avec des moulinets à tambour tournant mais j'apprends vite! Ah... autre chose... la vitesse de récupération du leurre! JF me dit «Si tu as l'impression de reeler (mouliner) vite... reele encore plus vite!». Vraiment à l'opposer d'une pêche fine et discrète que l'on pratique bien souvent en France pour le brochet, là il faut garocher un énorme amat de métal ressemblant à un spinner bait muni d'un hameçon digne de la prothèse de capitaine Crochet et le treuiller le plus vite possible!

Le terrain de jeu se compose de hauts-fonds parsemés de potamots, une plante particulièrement appréciée du maskinongé, dense, mais pas trop! Je suis patient, je ne m'attends pas à grand chose de la journée tout en sachant que la prise d'un gros maskinongé reste quelque chose d'exceptionnel et que cette journée avec deux spécialistes me permettra, au pire, d'en apprendre plus sur les moeurs de ce magnifique ésocidé.

Mais, bizarrement, ce que l'on surnomme «la chance du débutant» va encore frapper ce jour-là, n'en déplaise à la malédiction séculaire de la banane!

Au bout d'une heure environ, je commence à être habitué au matériel et mes lancers sont plus précis. J'apperçois une trouée dans les herbiers et y balance mon méga spinner bait qui touche la cible avec fracas. Reel, reel, reel... je ramène mon leurre à toute blingue au raz de la surface, à la limite de le faire éclabousser hors de l'eau. C'est alors que l'improbable se produit : en une fraction de seconde, une masse blanche et verdâtre accompagnée de gerbes d'eau explose, contrastant avec la surface calme du fleuve Saint-Laurent... S'ensuit une énorme secousse dans mon avant-bras... Ma pupille se dilate et un réflexe, plutôt qu'un geste calculé, se produit instinctivement dans mon bras de pêcheur aguerri : le fameux GFB (Gros Ferrage de Bourrin!). Une chance que JF m'avait dit justement de ferrer fort, car la gueule d'un maski est extrêmement dure!
«Pendu!»

Pendu! J'ai peine à y croire, le temps s'arrête. Je reste concentré sur le fish et j'essaye de m'habituer à ce #$#!% ! de frein de moulinet que je ne maîtrise pas encore. Des violents coups de tête, ça part à droite, à gauche et... la ligne se relâche... non il ne va pas... mais oui, il me fait une magnifique chandelle! Ok... c'est comme un énorme pike, mais ça saute comme un bass! Hallucinant! Je reste concentré. Au bout de quelques minutes, je le sens prêt à me rencontrer" JF met l'épuisette - je devrais dire le filet de chalutier - à l'eau. Je glisse la belle (c'est une madame) dans l'épuisette et... je n'en crois pas mes yeux! C'est le plus gros poisson que je n'ai jamais pris, toutes espèces confondues! Je note les différences par rapport au brochet: contrairement au brochet, ce dernier ne semble pas avoir peur, il est au sommet de la chaîne alimentaire dans l'eau - n'en déplaise aux malheureux bipèdes terrestres que nous sommes - sa couleur particulière, sa caudale en forme de «V», la tête massive me faisant penser à un pitbull d'eau douce. Quelle bête magnifique! J'exulte!


Encore sous le charme de la bête, je me rends à peine compte que JF s'apprête à le hisser à bord pour une rapide photo. J'ai juste le temps de saisir la caudale. Avec du recul, j'aurais aimé tenir égoïstement la bête de mes propres mains comme j'ai pu tenir des centaines de brochets, mais tout se passe très vite et c'est mieux pour le poisson. On le place ensuite dans la civière afin de le mesurer... 50 pouces, c'est à dire 1m27! Son poids, quant à lui, est estimé à environ 35 lbs (16 kg). On sort ensuite la belle de la civière... je la tiens une dernière fois par la caudale et elle se propulse tel un éclair, nous gratifiant d'une belle éclaboussure attestant de sa parfaite condition physique, un release comme on les aime! Wow... je me dis à ce moment-là que le reste de la journée, c'est du bonus!
«50 pouces, c'est-à-dire 1m27!»

Mais voilà que, après l'improbable, l'inconcevable se produit!

Environ une heure plus tard, au détour d'un autre massif de potamot, j'aperçois une énorme masse qui, sans se précipiter outre mesure, sûre de sa capacité à détruire mon leurre quelle que soit sa vélocité, engloutit - je devrais dire aspire - mon énorme leurre (toujours le même spinner bait) d'un trait! J'ai à peine le temps de crier «Yep, fish on!» que la formidable reine du secteur - je suppose qu'il s'agit encore d'une femelle vu sa taille - replonge vers les abîmes semblant à peine prêter attention à ce qui se passe, comme si personne n'aurait l'effronterie de vouloir la déranger, comme si elle se disait «mmm, ça tire un peu sous ma 347e canine à droite, pas grave, je retourne dans mon abri... 
«sois doux avec» qui disait...
J'arrive cependant à la brider rapidement, aidé de ma trique et de ma tresse de 70 lbs test. Le sous-marin remonte proche du bateau, nous pouvons enfin apercevoir cette poutre dans un véritable «wow» d'exclamation généralisée dans le bateau. Je jubile, j'hallucine, je tremble, j'exulte... je suis dans un état de concience proche du nirvana du pêcheur. S'ensuit une gerbe d'éclaboussure me rappelant à l'ordre: le combat n'est pas terminé! On respire un grand coup et on reste concentré! JF me lance : « je pense qu'il est encore plus gros que le précédent...». C'est possible ça? Deux maski au dessus de 50 po à une heure d'intervalle? En plus, j'ai ramené des bananes sur le bateau!! 
«le sous marin remonte proche du bateau»
Je me refocalise sur le poisson, en fait, je suis toujours resté focalisé dessus. Sa lente approche du bateau laisse penser au capitaine JP que la bête est prête... Il me dit aussi «sois doux avec!». En moi-même, je me dis que je fais ce que je peux, mais pour le moment, c'est elle qui mène le combat comme elle le désire! Elle se décide à replonger en se dirigeant vers la proue du bateau puis se retourne finalement... C'est le moment! JP est prêt avec le filet... je ramène la belle dans l'épuisette. Elle nous gratifie d'un début de salto une fois dans le net en ouvrant sa gueule immense et pleine de dents, comme pour nous mettre en garde. Impressionné, je me dis que ma tête loge certainement entre ses mâchoires.
«ouvrant sa gueule immense et pleine de dents»
Je crois que je viens de battre à nouveau mon record personnel qui a tenu... 1 heure! et qui tient encore à ce jour... largement! Je nage en plein délire, je n'y crois même plus... ça dépasse mes plus beaux rêves de pêche! Après la photo d'usage (où, encore une fois, ma béatitude m'empêche de penser à prendre mon trophée dans une dernière étreinte pour une photo plus «stylée»), on passe au verdict dans la civière munie d'une règle à mesurer : 54,5 po soit 1m37! Pour
un poids tout en muscle estimé entre 40 et 45 lbs (environ 20 kg). JF me dit que ce poisson, s'il avait été pris l'automne, pourrait peser au moins une dizaine de lbs de plus. Wow... Je jubile! Je pose ma main sur sa tête pour immortaliser l'instant. Puis, c'est l'heure des adieux. Je la tiens une dernière fois, m'inquiète un peu de son manque de réaction, mais je suis enfin soulagé lorsqu'elle contracte ses muscles endoloris par l'effort pour se libérer de mon étreinte. Je suis aux anges, dans le bateau, l'euphorie nous gagne, je suis un pêcheur comblé!

«54,5 po soit 1m37!»
Et c'est en spectateur, avec un sourire jusqu'aux oreilles, que j'ai assisté aux prises de mon pote Raphaël qui, loin d'être en reste, a fait lui aussi deux maskinongés à la traîne de 44 et 46 po (1m11 et 1m17), en plus d'en décrocher un autre et de faire un brochet qu'on aurait certainement mesuré une autre journée, mais qui, s'il semblait petit comparé aux maskinongés, devait certainement faire entre 90 cm et 1 mètre... J'ai aussi échappé un énorme achigan à petite bouche qui avait réussi à happer mon énorme spiner bait. 






En conclusion, j'affirme qu'on peut consommer de la banane sans modération sur un bateau de pêche, foi de crinqué!